Si l’orange m’était contée…

De la pomme de Chine à l’orange, fruit exotique prisé à la cour des papes et celle de France, du Moyen-âge à nos jours. Ce fameux Dom Pacello da Mercogliano l’acclimata en Val de Loire et il tient un rôle important dans « L’ombre du Cerf ». Temps de lecture : 3 minutes.


Il s’étonna de petits fruits un peu fripés, aux vives couleurs jaunes ou orangées. Pétrarque lui expliqua qu’il s’agissait d’agrumes : citrus lemonicum et citrus aurantium ou bigarade. Importés des pays arabes, ils étaient très acides et amers. Ils devaient absolument être cuits pour être mangeables et apportaient cette touche d’exotisme très recherchée.

Dominique BARTE
L’Héritage

Il était une fois, une orange…

Originaire du Sud-Est de l’Asie, autour du Bangladesh, les oranges amères furent introduites en Egypte et en Palestine par les Arabes vers le XIè siècle. Elles font parties de la famille des Rutacées. Ces espèces primaires sont plutôt des cédrats (citrus medica), des bigarades ou oranges amères (citrus aurantium) et des pamplemousses (citrus maxima).

L’orange douce (citrus sinensis = citron de Chine) serait issue du croisement entre le pamplemousse et la mandarine. Importée de Chine, les Portugais les amenèrent sur nos tables européennes dès le XVè siècle.

Si les oranges amères semblaient peu appréciées au Moyen-âge, les oranges douces seront très prisées à la cour de la Renaissance et considérées comme des fruits de luxe, appelés alors pommes de Chine.


Acclimatation des premiers orangers en France

J’ai l’intention de rénover et modifier mes châteaux, à commencer par le Château Gaillard, où j’ai installé tous ces « gens de mestiers » dans les logis troglodytes. J’ai confié à Dom Pacello, le projet de « Jardin du Roy » dans le parc du château.

Dominique BARTE
L’ombre du Cerf

Lors de la première guerre d’Italie (1494), le roi Charles VIII découvre les splendeurs de la Renaissance italienne. Il ramène avec lui en Val-de-Loire, artisans et artistes capables de reproduire ces merveilles. Dom Pacello da Mercogliano (1453-1534), moine jardinier et ingénieur hydraulique, l’a subjugué par l’organisation des jardins de Poggio Reale à Naples. Dès son retour, il l’installera à Amboise, puis à quelques pas de là, à Château-Gaillard afin que le paysagiste, surnommé le « Léonard des jardins » lui crée son rêve de Paradis Terrestre.

Pacello s’épanouit dans la création de ces jardins d’agrément, premiers parterres « à la Française », ouvrant des perspectives axiales sur l’horizon plutôt que de s’en tenir au jardin clos et monacal habituel. Il multipliera les innovations en matière de plantation associées à un art paysagé novateur.

Devant l’engouement de la cour pour les fruits exotiques, Pacello s’ingénie à trouver la méthode qui lui permet d’implanter les premiers orangers sous les cieux ligériens. Il crée à l’abri de la falaise, une grande verrière : sa « limonaia », serre chaude orientée au Sud, dans laquelle il fera transférer chaque hiver ses « caisses à empotage » où grandissent ses « citrus sinensis ».


« Dom Pacello, quelle merveille ! Et ce sont là vos fameuses caisses à rempoter qui protègent vos orangers ? » s’écria Gilio. « Et cette grande verrière là-bas les maintient au chaud en hiver ! Voici donc le secret pour faire pousser ces arbres fragiles dans nos contrées ! Bravo, vous êtes un véritable génie, Dom Pacello ! »

Dominique BARTE
L’ombre du Cerf

Autres innovations dues à Pacello da Mercogliano :

Parquets Pacelliens : Pacello domestique la nature sans pour autant la dominer. Influencé par son éducation religieuse, il multiplie les carrés de simples, de petites plantes ou de petits fruits et parsème ses parterres cloisonnés de minéraux colorés (poudre d’ardoise, terre cuite, tuffeau pilé) et de bordures de houx, créant une géométrie aléatoire.

Les parcelles horticoles, séparées par des murs coupe-vent lui permettent de développer la culture septentrionale de fruits tels que les pêchers et les prunes. On lui doit notamment l’obtention de la prune reine-claude, qu’il offrira à la première épouse de François Ier, Claude de France.


Une orange pour Pacello

Dom Pacello fut le jardinier très apprécié de trois rois de France : Charles VIII, Louis XII et François Ier. Ce dernier alla jusqu’à offrir à son « bien-aimé Pacello », ce bon moine si souriant, le domaine de Château Gaillard contre un bouquet annuel de fleurs d’oranger.

Récemment, le domaine de Château Gaillard a été racheté et remis en état (remarquable) et il est ouvert au public. Château Gaillard – Le plus Italien des châteaux de la Loire (chateau-gaillard-amboise.fr)

Une orange pour tous.

L’orange douce, réputée un produit de luxe à la Renaissance, le restera jusque dans les années 1950. Pourtant, les orangeraies chauffées s’étaient multipliées, même à Paris et Versailles car l’aristocratie en raffolait. Après la révolution industrielle, les enfants reçurent une orange pour Noël car le train permettait un acheminement plus rapide mais elle n’en demeura pas moins un fruit rare, symbole du soleil au milieu de l’hiver.

Après la guerre et le développement des transports, l’orange devint un produit banal. Elle est aujourd’hui l’un des fruits les plus consommés en France (pomme, banane, orange, clémentine). Ses principales régions de production sont l’Espagne, le Maghreb et Israël. Elle est produite en France, en petites quantités, en Corse et Pyrénées orientales.


 » Chez les oranges, on ne choisit pas sa famille !

Il y a la famille des navels, des blondes, des sanguines et des tardives.

La plus égocentrique, la navel signifiant « nombril » en anglais. Elle est reconnaissable grâce à la présence d’une petite excroissance à l’intérieur du fruit. Ensuite, la blonde, la plus dévergondée ! C’est une orange hivernale à chair claire. Pressez-la, vous en tirerez le meilleur. La plus farouche, c’est la sanguine. Avec sa peau et sa chair veinées de rouge, elle donne un coup de fouet à toute personne tentant de la croquer. La cadette, c’est la tardive. Avec ses origines espagnoles et sa chair claire, elle apporte douceur et pétillant nécessaire pour un jus réussi. » Extraits du livre d’Anna-Maria Mele-Sanchez

Pour retrouver des anecdotes et des légendes sur les oranges et leurs bienfaits (et bien d’autres fruits, légumes et fleurs…), n’hésitez pas à consulter ici l’excellent concentré de saveurs d’Anna-Maria Mele-Sanchez.

Dans la littérature et l’art :

De nombreux artistes depuis la Renaissance ont représenté l’orange dans leurs natures mortes

Tintin et les Oranges bleues

La terre est bleue comme une orange (Paul Eluard – L’amour la poésie 1929)

Mon bel oranger (José Mauro de Vasconcelos – 1968)

La ballade irlandaise (Bourvil – 1958)

Fruits et Cruchon – Paul Cézanne 1890 – Huile sur toile – Museum of Fine Arts, Boston


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